Bonjour,

je suis une chèvre et en tant que telle je suis la masse. Je vis avec d'autres chèvres et on bouge toujours toutes ensemble car on n'est pas capables de faire autrement. C'est tout ce qu'on nous a appris et maintenant on est condamnées à vivre comme ça. Nos maîtres ne voyaient pas l'intérêt de nous expliquer ce que c'est que l'esprit d'initiative, la liberté d'action, la mise en place d'un projet et son développement, la méthode de vie et de travail. Cela ne doit pas vous étonner : quand les chèvres ne bougent qu'ensemble et en s'appuyant l'une sur l'autre, elles sont bien plus faciles à gérer. Voire à contrôler. Peu importe s'il y en a quelques unes parmi les autres qui ont du potentiel et qui pourraient rapporter plus que prévu. O0n prendrait trop de risques, il parait, pour exploiter ce potentiel, du coup on laisse tomber et on se contente d'obtenir le minimum indispensable pour que la ferme puisse survivre.

Pourtant l'impression que j'avais eu, en regardant l'abri qu'on nous avait offert de mes pauvres yeux de chèvre ignorante et débile, c'était celle d'une perspective de vie bien meilleure que ça. On avait droit à un endroit confortable, tout à fait correct et presque propre, ce qui n'est pas forcément évident pour des chèvres. certes, il y avait encore quelques petites bricoles à revoir, mais dès le début on a été bien là dedans. On nous a promis monts et merveilles, du luxe extrême, même un plancher chauffant pour l'hiver. Bien sûr, on n'a rien vu de tout ça, et il est de plus en plus clair que notre destin est d'être transformées en plat principal lors de l'un des prochains repas somptueux de nos maîtres. Mais bon, ils rêvaient d'avoir des chèvres, et ce serait dommage de les décevoir.